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Journal d'un TELien (32)


Journal d’un TELien (32)

Mercredi 12 mai 2004.

Y’a pas à dire : lorsqu’il n’y a rien à dire, je n’ai rien à dire. Je ferme le journal, et à demain !

Non, ce serait trop facile… faut se forcer un peu… Hein ?

Alors, parce que le frigo est vide, j’attendrais qu’il se remplisse tout seul ? Parce que le ciel est débordant de pluie, je resterais sous la couette en attendant qu’une volonté suprérieure inonde la rue de soleil ? Parce que les pinceaux n’ont rien à raconter, je laisserais la toile vierge jusqu’à ce que Dame Muse me fasse un petit signe ?

Encore une fois, non ! Je dois me secouer les méninges, au moins pour entretenir les neurones… histoire de me dire, à cent et quelques années, lorsque je relierai ce journal, que j’avais l’esprit vif et sans cesse en alerte, que ma vie a été passionnante, et qu’il ne s’est pas achevé un jour, un seul, sans qu’il me soit arrivé quelque chose.

Décidément, rien. Je suis allé faire un tour au jardin ; j’ai monté une ou deux bricoles au grenier ; j’ai fait deux ou trois allées et venues à l’atelier, manière d’empêcher la poussière de s’installer ; j’ai écouté les nouvelles à la radio… rien qui ne vaille de figurer sur cette page.

J’ai veillé une bonne moitié de la nuit, l’attention entre les dents, pour ne pas passer à côté de l’anecdote, de la pensée, de l’interrogation qui mériterait d’être couchée sur le papier. Rien. Aussi je me suis couché, j’ai fermé les yeux, en me disant que ça irait mieux demain… sinon, je ferai appel au toubib.

Jeudi 13 mai 2004.

Je viens de répondre au courrier de Monsieur Plumel, agent artistique, qui me propose une série d’expositions : Villa Carlotta, Fondation Ratti, Tremezo ; Art & Public, Genève ; Galerie Tanit, Munich ; Galerie Sollertis, Toulouse ; Galerie 1991 Joao Graça, Lisbonne ; Galerie Susanne Kull, Saint Gall ; ECAL, Lausanne ; Territorio Italiano, Piacenza ; Galerie 360 Degres, Tokyo. Tous frais payés, édition d’un catalogue, commission de 15% à l’agent artistique, et de 25% aux galeristes. À raison d’un mois par galerie, de juin 2004 à février 2005. Monsieur Plumel ne tarit pas d’arguments : galeries réputées, sérieuses, ne travaillant qu’avec de grands artistes, vernissages très fréquentés, la chance de votre vie

Dans ma réponse à Monsieur Plumel, je décline l’offre, tout en le remerciant chaleureusement de sa proposition, et qu’il n’hésite surtout pas à me contacter pour une prochaine fois. Car pour autant alléchante que soit celle-ci, elle arrive bien mal : il y a la communion du petit en juin, et je ne peux m’absenter (je ne peux pas lui faire cela, au petit) ; en juillet, c’est la semaine à Moliets (depuis un an que ma femme prépare notre villégiature, économisant sou après sou) ; août, je repeins la salle à manger (les pots sont stockés à la cave depuis un trimestre) ; septembre, le ramassage des pommes (j’ai promi à Cantalou de lui donner un coup de main) ; octobre, mon exposition au foyer rural de Clarac ; en novembre, chaque trois ans, ma cure à Luchon ; en décembre, je garde la chambre (les bains de boue me mettant chaque fois sur les genoux) ; janvier, mon mois le plus créatif (en conséquence je ne bouge pas de l’atelier) ; et pour finir : février et son lot de surprises… Ainsi, et pour une raison ou une autre, j’aurais bien de la peine à faire face à cette tournée dans les capitales, et faire les choses à moitié, moi ça me met mal à l’aise. De plus, ne pouvant être présent lors des vernissages, j’aurais le sentiment d’exposer par procuration. Enfin : dégarnir l’atelier neuf mois durant, que pourrais-je bien argumenter au client de passage, fut-il hypothétique ? N’a t-il pas droit au respect, cet amateur d’art des provinces ?

Je me rends compte à quel point la vie d’artiste n’est pas une sinécure, et qu’elle amène à des choix ô combien cornéliens !

Vendredi 14 mai 2004.

Si les lapins ont de longues oreilles, c’est pour ne pas qu’on les confonde avec les escargots trottinant dans la luzerne. Et si je peins avec des stylos bille, c’est pour faciliter le travail des experts, et ne pas être pris pour François Boucher.

 

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