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Et si la peinture n'était que littérature


Et si la peinture n'était que littérature

Yfig
dimanche 27 juillet 2003



L'histoire commence par une toile blanche, une toile de lin traitée, pas un écran de cinoche.
Dans une autre histoire, nous parlerons du bois et d'autres supports.

Je vous propose de commencer par quelques rappels qui ne vous apprendront pas grand chose mais qui permettent de mettre le sujet dans son contexte. Je ne souhaite pas re-développer tout ce que vous trouverez déjà écrit dans les très nombreux livres proposés sur tous ces sujets (voir bibliographie), mais procéder à une brève récapitulation de ce qu'il faut savoir avant d'aller plus loin.

Selon le résultat souhaité, on prendra une toile de grain plus ou moins fin.
Le grain est directement lié au serrage des fibres pendant le tissage.

On peut aussi prendre une toile de coton au lieu de lin, mais la toile ne supportera pas d'être aussi tendue que celle de lin et la toile ne résistera pas aussi bien à l'usure du temps.

1. Techniques du dessin

1. Hyperréalisme

Concentrons-nous sur la toile de lin, matériau noble et résistant.
Si l'objectif est 'un rendu hyperréaliste', il faudra commencer par traiter la toile (grain fin). On passe une couche de gecko (espèce de pâte épaisse blanche) soit au couteau à empâter si l'on est habile, soit à la brosse. Puis après séchage (une nuit), on poncera énergiquement jusqu'à obtention d'une surface parfaitement lisse et plane. Il est possible que l'on soit amené à répéter cette opération plusieurs fois (empâtement suivi de ponçage).
Le modèle est là, devant vos yeux.
Le gros problème avec l'hyperréalisme, c'est qu'il est nécessaire de conserver tout au long de la réalisation de l'œuvre très exactement le même angle de vision sans jamais en changer (sinon, on déformera la perspective et on changera les ombres et la lumière).
Autant dire que l'on a aucune chance.
La plupart des peintres contournent cet obstacle insurmontable par la projection du modèle sur la toile à l'aide d'un vidéo projecteur et dessine par décalcomanie ce qui évite les erreurs de perspectives. Ne soyez pas outré de cette technique, elle fut utilisée par les plus grands en particulier par Michael Ange et Léonard de Vinci qui n'a jamais manqué d'imagination et d'esprit créatif pragmatique, bien sûr il ne disposaient pas de vidéo projecteur, mais d'une boîte noire qui permettait l'obtention des mêmes résultats, et auparavant, ils dessinaient sur des feuilles de papier épaisses, puis pratiquaient la décalcomanie par la perforation du dessin et la projection à l'aide d'une étoupe sur le support à l'aide de poudre de charbon de bois (vous avez tous fait ça à l'école).

Même si, par cette technique, votre dessin est parfait, encore faut-il maintenant le peindre.



2. Figuratif - Impressionnisme - Abstrait - Autres

Vous utiliserez :
Le crayon de mine, , le fusain (fusain traditionnel ou crayon de pierre noire ou sanguine…), ou le pinceau trempé dans une acrylique fortement diluée à l'eau. Mais il vous est loisible d'inventer toute autre sorte de technique.

Avant de vous lancer dans le dessin, vous aurez à cœur de prendre connaissance de certaines règles explicitées dans divers ouvrages de techniques et qui vous apprendront ce que vous devez savoir sur la représentation des perspectives, des lignes de fuite, des portraits, des caricatures, des animaux, des paysages …. Etc (voir bibliographies en annexe).

Si la technique du projecteur vous révulse, mais que vous avez besoin malgré tout d'un dessin rigoureux, vous pouvez utiliser la technique de la division géométrique de votre toile en dessinant virtuellement des carrés qui seront autant de points de repère pour placer les lignes de votre dessin. Cette technique présente de très nombreux défauts : très long et fastidieux, aléatoire car nul n'est à l'abri d'une erreur de calcul, problème de la rémanence des repères …

Ma technique préférée est celle du dessin au pinceau, mais elle n'est pas utilisable pour tous les cas de figure, j'apprécie tout particulièrement le dessin au fusain traditionnel car cette technique exige de faire une synthèse du dessin en occultant les détails que l'on pourra toujours reprendre à la peinture.

Certains artistes reproduisent toujours les mêmes dessins. Il m'est arrivé de redessiner de mémoire, sur une simple feuille de papier dactylo, un dessin sur lequel j'avais longuement travaillé. La représentation itérative permet une grande maîtrise, mais je trouve ça très stérile et frustrant à la longue.

C'est un lieu commun que de vous dire que " plus vous dessinerez, mieux vous maîtriserez le dessin ", alors ! dessinez, dessinez, dessinez ….. sauf si vous vous destinez à la peinture abstraite car dans ce cas, vous pouvez passer directement au chapitre suivant.


2. Techniques de la peinture.

Vous trouverez dans les livres toutes les techniques, plus ou moins bien explicitées, à l'exception de la peinture abstraite qui ne procède que d'une seule technique déclinée plus bas.

Je voudrais ne vous parler que de mes propres expériences qui m'ont souvent appris que tout ce qui est écrit dans les livres n'est pas toujours la stricte vérité.

J'utilise essentiellement deux techniques :
Le frais et le glacis.
Pour ces deux techniques, je procède toujours de la même façon dans la première partie de mon travail :

1 Dessin, puis première couche d'acrylique puis glacis.
Quand je me suis attelé à cette technique , la couche d'acrylique n'étant pour moi qu'une couche d'apprêt destinée à faciliter la couche d'huile, je ne m'appliquais pas ni dans le respect du dessin ni dans celui des couleurs, mais je me suis vite rendu compte que mes erreurs à l'acrylique se perpétuaient dans les couches d'huile ; depuis, je m'applique du mieux que je peux dans cette première couche, surtout si elle doit être suivie de glacis car dans ce cas, l'acrylique comptera pour au moins cinquante pour cent dans la suite, quelque soit le nombre de couches de glacis qui suivront. J'essaie de trouver au plus près les couleurs définitives, sauf si je veux rendre un effet spécial.
En effet, il est tout à fait possible de procéder à des glacis à l'acrylique, qui donneront des résultats tout à fait surprenant selon les couleurs superposées et l'ordre dans lequel on procède aux superpositions.
Par exemple, une première couche de bleu suivie d'une couche de rouge donnera un bleu très profond, suivi d'un léger glacis à l'huile à base de violet permanent, cela nous donnera un bleu nuit très lumineux.
Pour les couches à l'acrylique, si vous souhaitez faire vibrer vos couleurs, je vous recommande de passer l'acrylique à l'aide d'une brosse dure assez large et de procéder par vigoureux coups croisés, sans revenir sur vos coups ce qui donnera une surface très inégale mais dont les traces s'estomperont au moment du glacis tout en conservant cette vibration recherchée.
Autre conseil, soyez très attentif au sens des coups de brosses si, par exemple, vous préparez un vêtement ou un portrait car le sens des coups de brosse aidera à la définition des volumes, des dimensions.

Les glacis.
C'est la bouteille à l'encre.
Il n'est pas possible, je crois, d'être exhaustif en ce qui concerne les glacis car trop de paramètres participent à leur définition.
Le mot glacis a la même racine que le mot 'glacé' et s'il utilise la notion de transparence, il contient aussi le concept de brillance qui fait la différence entre la technique du glacis et la technique de la transparence. Mais il faut avouer que la frontière entre les deux est fort mince.
- L'épaisseur de la première couche jouera sur la luminosité car la première couche n'est jamais que la seconde puisqu'elle est, en général, appliquée sur du blanc. Vous pouvez toujours occulté le blanc par une très épaisse couche de peinture sombre, mais vous perdrez dans ce cas une dimension à vos glacis et la luminosité indéfinissable qui rejaillit à travers les couches successives et qui donne de belles nuances évanescentes.
- Les mélanges sont infinis et les résultats pas toujours garantis lorsque vous essayez un mélange pour la première fois. Bien sûr on acquiert de l'expérience, mais le nombre de combinaisons est si infini que rien n'est jamais certain.
- Il est très important de lire sur le tube de peinture le degré de transparence de la couleur. Les rouges et les verts sont les plus transparents. Le jaunes et les bleus sont les plus opaques. Mais, j'ai déjà réussit des glacis avec des couleurs non prédestinées à cet effet en les diluant très abondamment.
- Les médias sont très importants en fonction de leurs types et de leurs dosages. Essence térébenthine, white spirit, siccatifs, jaune d'œuf, médium spéciaux du commerce (voir dans les bouquins ou dans les magasins) … et enfin le plus délicat dans son utilisation et ses résultats : l'huile de lin.
- Si vous utilisez l'huile de lin pure dans vos glacis, vous aurez la mauvaise surprise d'avoir une peinture qui ne sèche jamais … en tout cas cela peut prendre plusieurs années. Ils resteront collants et prendront les traces de doigts au moment des transports et attireront toutes les particules de poussières des alentours. Il est vivement conseillé de ne pas utiliser l'huile de lin pure. Autre conseil, mettez votre huile de lin dans un récipient transparent (pot en verre avec couvercle) et exposez le pot au soleil ce qui aura pour effet de 'blanchir' votre huile (augmente sa transparence) et la purifiera.
- Les couches de glacis doivent impérativement être passées sur une couche très sèche sous peine de rendu brouillé (comme les œufs) c'est à dire un rendu très sale, très désagréable à l'oeil. Ce qui signifie que cette technique demande à l'artiste une très patiente patience. Les meilleurs glacis se font sur des couches d'au moins cinq ou six mois. Tant que vous ne vendez pas vos peintures, cela n'est pas rédhibitoire, mais si vous devez vivre de votre art, alors …….
- Pour ce qui est des glacis 'glacés', si j'ai plusieurs fois obtenu ce résultat, je suis encore incapable de dire comment.


2 Peinture à l'huile dans le frais.
Comme son nom l'indique, les mélanges de couleurs se font directement dans la couche fraîche. Pour revenir sur une couleur, et si vous diluez vos premières couches d'un peu de térébenthine additionnée de siccatif, votre attente sera assez courte, de l'ordre de quelques jours. Pour ma part, je pratique quand même à une première couche à l'acrylique, ce qui permet à l'huile de mieux glisser, et qui a d'autres avantages comme éviter les trous blancs et de diminuer l'épaisseur de la couche d'huile (si vous êtes radins ou pas trop fortunés, vous apprécierez cette économie.
On peut aussi pratiquer par des couches épaisses, il m'est arrivé de cette façon d'obtenir des résultats assez proches des glacis, les teintes se mélangeant au séchage sans s'éliminer mutuellement.

Un petit aparté sur la technique du couteau, aussi appelé 'spatule'. Cette technique est à la peinture ce que le fusain traditionnel est au dessin, elle oblige à une synthèse du sujet spatulé qui lui confère une grande force expressive.

La peinture à l'huile dans le frais peut s'avérer très utile pour récupérer de petits défauts, voir reconstruire entièrement un tableau raté. Pour cela, il vous faudra aussi attendre que votre tableau soit entièrement sec. Mais vous aurez, alors, la bonne surprise de voir votre couleur 'glisser' sans le moindre effort sur les anciennes couches et surtout, vous obtiendrez de cette façon des 'fondus' incomparables, proches de ce que réalisaient les grands peintres classiques.

Voilà, je crois, un exposé qui démontre qu'on ne s'improvise pas peintre d'un coup de baguette (pinceau) magique.
Comme le disait Pénélope à Télémaque : 'cent fois sur le métier il te faudra te remettre à l'ouvrage ".


Ah ! Je m'aperçois que j'allais oublier de vous parler de LA technique abstraite !
Prenez une toile bien fraîche et bien blanche.
Allez chercher au pré, Buridan qui sommeille à l'ombre d'un pommier (qu'il soit en fleur ou non (le pommier, pas l'âne) n'a aucune incidence sur l'oeuvre elle-même).
Prenez quelques pots de peinture (vous avez la possibilité d'utiliser des pots déjà entamés, cela n'en sera que plus méritoire).
Trempez avec autorité la queue du dit Buridan dans les pots de peintures.
Rapprochez la croupe du baudet de la toile immaculée et dans un même geste artistique présentez-lui une carotte (devant, pas derrière!) ce qui aura pour effet une grande agitation de l'animal qui se traduira par des battements de queue qui se répercuteront sur la toile qui ne sera plus immaculée mais barbouillée en tous sens de traces colorées dans le plus grand désordre.
Voilà, votre oeuvre est bientôt prête, ne manquent plus qu'un titre (vous prendrez le plus grand soin au choix du titre, il se doit d'être ronflant et plein de mots savants comme : 'Allégresse subliminale', 'Hylozoïsme quantique', 'Céphalothorax polymorphe' etc… etc ….) et votre signature ; et surtout, surtout, n'oubliez pas de passer à la caisse de la frac pour toucher vos larges subventions qui vous permettront d'acheter de l'avoine pour le bestiau.

Ainsi va l'art de nos jours !
Ainsi coule le flot des subventions pour entretenir et valoriser un animal qui n'a rien demandé à personne.


Conclusion :

Voilà ce que je voulais vous dire de ma technique à ce jour.

Bien entendu, je pourrais encore vous en parler longuement si je reprenais chacun des tableaux que j'ai réalisé, mais je crois que cela deviendrait fastidieux pour vous comme pour moi.

Je pourrais aussi vous parler des galiéristes qui m'ont conseillé de peindre toujours le même sujet et de limiter ma palette à quatre ou cinq couleurs.

Je pourrais aussi vous parler des expositions, mais je l'ai déjà fait (les greniers à sel en avril 2003); ou des commissaires priseurs et de leur hégémonie sur la côte des artistes, ou des organismes officiels et de leurs critères de choix liés à leur incompétence et qui nous vaut aujourd'hui de voir tous les deniers publics dériver vers l'art abstrait qui de par sa phraséologie sophiste et empruntée délivre au public un discours fallacieux et pontifiant.

J'en veux pour exemple :

Extrait de " TRESORS DE LA COLLECTION DU FRAC BASSE-NORMANDIE "
Du 19 juillet au 19 août 2003
Aux greniers à sel - Honfleur


'N'y voir qu'une allégorie de la condition humaine serait une interprétation hâtive et réductrice, il est plus vraisemblable que cet intérêt " obsessionnel " tienne avant tout au fait que le règne animal concernerait, pour l'artiste, l'existence même de l'image' (sic)

'Les tableaux sont des machines, des outils livrés au spectateur pour se poser dans sa propre identité, pour analyser. Ce lieu lointain et proche comment est-ce qu'il me renvoie à mon chez moi et à mon attitude ? En somme c'est le spectateur qui est convoqué pour être la figure humaine du tableau' (sic)

'La peinture de Jacques Deschamps met en jeu le dessin, la couleur, la lumière dans une réalisation abstraite suggestives d'espaces architecturés où les trames et les lignes contribuent non à créer une tension mais à donner l'aplomb, l'équilibre aux champs colorés du tableau' (sic)

'L'étonnement n'est pas seulement à la source de toute philosophie, il est aussi un appel à l'imagination artistique qui se livre à ce qui l'entoure pour s'en réapproprier en le transformant en objet pictural' (sic)

'Ainsi en est-il du tableau où s'éparpillent et foisonnent sur un fond blanc ses signes vivement colorés, totalement emblématiques' (sic)

'J'utilise une technique propre à un travail qui tourne autour de la calcination et de la combustion lente. J'ai fait des nœuds avec une mèche lente que j'ai placée dans une toile. [….] Le hasard intervient dans ce processus, mais je le prépare' (sic)



'En peignant, il prend les risques, il se mouille, il met sa peinture dans tous ses états ….' (sic)

Je vous fait grâce du reste, c'est à l'encan !
Mais ce sont ces descriptions qui m'ont inspiré le titre de cet article, car tout ce que l'on peut lire ci-dessus n'est que littérature et n'a strictement rien à voir avec une quelconque justification concrète et impartiale des œuvres exposées ni des techniques utilisées pour les créer.
Les intellectuels (ou qui se prétendent tels) ont une fâcheuse tendance à nous prendre pour des imbéciles.
Essayer de nous convaincre qu'ils nous sont supérieurs en intelligence parce qu'ils prétendent 'comprendre' le sens des "signes vivement colorés, totalement emblématiques (sic)" c'est, en fait, l'aveu de leur propre incompétence et incapacité à juger de l'art véritable.
En tout cas, les fonds dilapidés dans cette exposition sans droit d'entrée mais sans visiteur auraient pu servir à une manifestation mettant en valeur les artistes Honfleurais qui semblent fort faire l'objet de la plus profonde indifférence de nos édiles.
Je suis personnellement révolté de constater que quelques 'peinturlures' sans intérêt ni culturel ni esthétique fassent l'objet de tant de sollicitation et de dépenses publiques (pensez donc, un mois complet à pouvoir admirer ces mochetés) quand, de notre côté nous n'avons droit qu'à trois jours payants pour un tout petit bout de mur !


Vous l'avez compris je pense, je peins par passion et n'est pas né(e) celle ou celui qui me détournera de cette folie.

Quels que soient les nombreux obstacles qui jonchent ma route, je n'aurais de cesse de la suivre en toute conscience, et avec pour unique objectif : atteindre l'inaccessible.
l'inaccessible technicité,
l'inaccessible beauté,
l'inaccessible émotion,
l'inaccessible tableau.

Bien à vous

Yfig